Original English version on RaymondIbrahim.com
Auteur : Raymond Ibrahim
Traduction française de Point de Bascule
Une autre preuve liant les États-Unis à l’État islamique a récemment été mise en lumière. Dans une récente interview, le cheik Youssef al-Qaradawi, un des leaders religieux les plus influents de la communauté musulmane, a affirmé que le leader de l’État islamique qui coupe des têtes et crucifie les infidèles, Abu Bakr al-Baghdadi, a déjà été membre des Frères Musulmans avec lesquels le gouvernement américain, et l’administration Obama en particulier, s’est allié. Qaradawi anime sa propre émission à Al-Jazeera et préside l’Union internationale des exégètes musulmans (International Union of Muslim Scholars).
Les preuves d‘une alliance entre les États-Unis et les Frères Musulmans sont trop nombreuses pour être énumérées ici. Elles impliquent des gens comme Hillary Clinton (2012 – 2014), l’ancienne ambassadrice américaine en Égypte Anne Patterson (Juin 2013 – Juillet 2013) et le sénateur John McCain (qui a été pris en photo non seulement avec des terroristes islamiques connus mais peut-être avec al-Baghdadi lui-même).
Selon le cheik Qaradawi, «ce jeune homme [al-Baghdadi] faisait partie des cadres importants des Frères Musulmans mais il avait tendance à affirmer son leadership et ainsi de suite… Puis, après avoir passé quelques années en prison [pour des activités menées avec les Frères Musulmans], il en est sorti puis s’est joint à eux [l’État islamique naissant]» avant de devenir leur «calife» un peu plus tard.
Le ministre égyptien des Fondations religieuses (Awqaf), Dr. Muhammad Mukhtar Gom‘a, a déclaré que «la confession de Qaradawi [concernant al-Baghdadi] confirme que les Frères Musulmans sont les pères spirituels de tous les groupes extrémistes».
Les propos de Qaradawi ne visaient cependant pas à salir la réputation des Frères Musulmans puisqu’il en est un des pères spirituels. Vraisemblablement, il a fait allusion au parcours d’al-Baghdadi pour faire passer le message qu’emprisonner ou réprimer les ‘islamistes modérés’, et les Frères Musulmans en particulier lors de la dernière révolution en Égypte, ne peut qu’entrainer leur ‘radicalisation’ et mener à la violence.
C’est une légende largement acceptée, particulièrement en Occident. On explique fréquemment le passage de l’actuel leader d’Al-Qaïda, Ayman Zawahiri, au ‘radicalisme’ et au jihad en invoquant son emprisonnement de 1981, alors qu’il militait avec les Frères Musulmans. Plusieurs événements remontant jusqu’à son adolescence démontrent cependant qu’il était un ’radical’ bien avant d’être emprisonné. En fait, il a été emprisonné précisément parce qu’il était un radical.
Plusieurs universitaires et politiciens occidentaux ont mordu à l’idée qu’il vaille mieux coopérer et s’allier avec les Frères Musulmans ‘modérés’ et ‘non-violents’, afin de prévenir qu’ils se sentent lésés et se tournent vers ‘l’extrémisme, le radicalisme et le terrorisme’.
Pour comprendre ce phénomène, il suffit de considérer la technique ‘good cop / bad cop’ et de la comparer à la conduite des États-Unis face aux ‘islamistes non-violents et modérés’ (les ‘good cops’) d’un côté, et les ‘islamistes violents et radicaux’ (les ‘bad cops’) de l’autre côté.
Un manuel de formation en ressources humaines de la CIA (CIA Human Resource Exploitation Training Manual), cité dans un autre livre intitulé Social Protest in Contemporary China, 2003-2010, définit ainsi la technique ‘good cop / bad cop’ :
La technique ‘good cop / bad cop’, également appelée l’interrogatoire en équipe (‘joint questioning’) ou celle de l’ennemi et de l’allié (‘friend and foe’) est une tactique psychologique utilisée lors des interrogatoires. Les enquêteurs peuvent interroger le sujet en même temps ou l’un à la suite de l’autre. Le ‘bad cop’ adopte une attitude agressive et négative face au sujet. Il lance des accusations énormes, fait des remarques désobligeantes, des menaces et, de façon générale, développe une antipathie entre lui-même et le sujet. Ça prépare les conditions pour l’entrée en scène du ‘good cop’ qui agit de façon sympathique, qui apparait démontrer de l’empathie et de la compréhension. Le ‘good cop’ prendra également la défense du sujet face au ‘bad cop’. Le sujet pourra sentir qu’il peut coopérer avec le ‘good cop’ parce qu’il lui fait confiance ou par crainte du ‘bad cop’. Il pourra chercher à se faire protéger par le ‘good cop’, ce qui peut l’amener à fournir l’information recherchée par les interrogateurs.
Considérez comment cette définition s’applique à l’approche du gouvernement américain envers la prétendue dichotomie islamiste de ‘violence’ et ‘non-violence’.
Tel le ‘bad cop’, le jihad violent, représenté par Al-Qaïda, l’État islamique, etc., «adopte une attitude agressive et négative face au sujet. Il lance des accusations énormes, fait des remarques désobligeantes, des menaces et, de façon générale, développe une antipathie entre lui-même et le sujet».
Ainsi, les jihadistes violents représentent «l’ennemi que l’on craint» et avec lequel il est impossible de discuter.
Ceci, évidemment, prépare les conditions pour l’entrée en scène des ‘good cops’, les islamistes qui se déclarent non-violents, les Frères Musulmans en l’occurrence.
[Le ‘good cop’] apparait démontrer de l’empathie et de la compréhension. Le ‘good cop’ [les Frères Musulmans ‘modérés’] prendra également la défense du sujet [les intérêts des États-Unis] face au ‘bad cop’ [les jihadistes islamiques]. Le sujet [les États-Unis] pourra sentir qu’il peut coopérer avec le ‘good cop’ [les ‘modérés’] parce qu’il lui fait confiance ou par crainte du ‘bad cop’ [les terroristes].
Cette idée est promue depuis longtemps par les spécialistes du Moyen-Orient et les experts officiels. Il y aurait les islamistes ‘non-violents’ et les islamistes ‘violents’ et la meilleure façon de diminuer l’attrait des seconds serait de coopérer avec les premiers. Ceci ne devrait pas poser trop de problèmes puisque les ‘good cops modérés’ portent le complet, sourient et vous serrent la main en prenant leur café avec vous.
Ainsi, le commandant Youssef Aboul-Enein, un officier de la Marine américaine qui conseille le Président Obama, soutient dans son livre Militant Islamist Ideology: Understanding the Global Threat (Naval Institute Press, 2010) que «Ce sont les islamistes militants qui sont notre ennemi. Ils représentent une menace immédiate à la sécurité nationale des États-Unis. On ne doit pas les confondre avec les islamistes en général». Aboul-Enein, comme tant d’autres avant lui, plaide que les États-Unis doivent travailler avec les islamistes non-violents dans le but de diminuer l’attrait des militants.
Tout comme la paire ‘Good Cop / Bad Cop’ représente une fausse dichotomie puisque les deux travaillent dans le même but, ainsi en est-il de la paire ‘islamiste non-violent / islamiste violent’. Les deux groupes d’islamistes travaillent ensemble pour atteindre le même objectif, soit le rétablissement du califat appliquant les principes de la charia, ce que l’État islamique (‘les islamistes violents’) mené par Abu Bakr al-Baghdadi, un ancien membre des Frères Musulmans (‘les islamistes non-violents’) a réussi à accomplir récemment.
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